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Les formations en droit peuvent (et doivent) être passionnantes!

  • Photo du rédacteur: Michael Bertrand
    Michael Bertrand
  • il y a 6 jours
  • 4 min de lecture

L'ennui, ce mal trop fréquent des formations juridiques

Soyons honnêtes : le droit a un sérieux problème d'image pédagogique. Les qualificatifs reviennent comme un refrain : monotone, compliqué, anxiogène, trop sérieux, stressant. Dans une étude publiée sur Village Justice, un maître de conférences témoigne sans détour : face à des exposés médiocres, "le reste des étudiants est plongé dans un silence pesant et apathique" et l'enseignant lui-même avoue avoir "plus d'une fois, été gagné par l'ennui".


Ce constat dépasse le simple ressenti. Les recherches en pédagogie juridique montrent que la matière a "longtemps été hermétique à des pratiques pédagogiques innovantes". Pour casser "la monotonie du monologue", un renouvellement profond des méthodes s'impose.


Pourtant, le problème n'est pas la matière elle-même, mais notre manière de la transmettre.

Le droit, sa pratique, c'est passionnant. L'apprendre, s'y former peut l'être également.


Quand l'expertise de terrain rencontre l'ingénierie pédagogique

La formation juridique se trouve aujourd'hui à un carrefour. D'un côté, les professionnels du droit public accumulent une expérience précieuse du terrain : contentieux, commande publique, gestion administrative. De l'autre, les sciences de l'éducation et l'ingénierie pédagogique offrent des outils éprouvés pour améliorer la transmission des savoirs.


Le défi ? Faire dialoguer ces deux mondes. Les formations en droit public ne peuvent plus se contenter d'être des récitations de règles. Elles doivent devenir des espaces d'apprentissage actif, où les apprenants développent leur capacité à raisonner, analyser et agir dans des situations concrètes.

Cette évolution passe par des formateurs qui sont à la fois des experts de leur domaine et des pédagogues avertis, capables d'adapter leurs méthodes aux besoins réels des apprenants.


Rendre le droit vivant : un panorama des possibles

1. De la passivité à l'interactivité

La recherche en pédagogie universitaire le confirme : privilégier les interactions transforme radicalement la situation d'apprentissage. Concrètement :

  • Pendant le cours : poser des questions en temps réel, utiliser des plateformes permettant aux apprenants de réagir instantanément (via smartphone ou ordinateur)

  • Sur les cas pratiques : partir de situations réelles plutôt que d'exemples théoriques abstraits

  • Dans l'évaluation : privilégier les QCM formatifs qui permettent à chacun de situer sa progression

Exemple pratique : lors d'une formation sur le contentieux administratif, plutôt que d'exposer la théorie du recours pour excès de pouvoir, commencer par analyser collectivement une décision du Conseil d'État récente. Les apprenants découvrent la règle en action.


2. Ancrer dans la réalité professionnelle

Une formatrice en droit de la musique de ma connaissance a posé la question autrement : "Mon objectif n'est PAS que les étudiants sortent en connaissant la durée des droits d'auteur. Mon objectif est qu'ils aient le réflexe de (se) demander : pourquoi cette durée ? À qui profite-t-elle ?"

Cette approche par le questionnement plutôt que par la mémorisation change tout. Appliquée au droit public :

  • En commande publique : analyser un vrai dossier de mise en concurrence avec ses zones grises ;

  • En droit des étrangers : décortiquer une décision préfectorale et ses possibilités de recours ;

  • En contentieux : construire un mémoire en défense à partir d'un cas réel anonymisé ;


La variété des formats pédagogiques est également essentielle : apports théoriques structurés, études de cas en sous-groupes, débats contradictoires, recherche documentaire guidée, retours d'expérience croisés.


3. Intégrer intelligemment le numérique et l'IA

Les technologies ne remplacent pas la pédagogie, elles la servent. Quelques applications concrètes :

  • Plateformes collaboratives : déposer les supports de cours et des QCM d'auto-évaluation entre chaque séance

  • Cartes mentales numériques : simplifier les données juridiques complexes par des synthèses visuelles (particulièrement efficace en droit constitutionnel)

  • Intelligence artificielle : former les juristes publics à utiliser les outils IA pour la recherche juridique, l'analyse de jurisprudence ou l'aide à la rédaction, tout en développant leur esprit critique

L'enjeu n'est pas technologique mais pédagogique : comment ces outils permettent-ils de mieux apprendre ?


Ce qui fait vraiment la différence : la posture pédagogique

Au-delà des techniques, les recherches sur l'enseignement du droit convergent : ce qui transforme une formation, c'est la posture de celui qui transmet. Plusieurs principes se dégagent :

L'écoute active : adapter le contenu aux besoins réels plutôt que dérouler un programme prédéfini. Un groupe d'agents territoriaux n'a pas les mêmes attentes qu'une promotion de candidats aux concours.

Le droit au questionnement : créer un climat où poser une question n'est pas perçu comme un aveu de faiblesse mais comme une démarche d'apprentissage. Cela demande de "prendre du recul pour questionner la légitimité de la règle de droit" elle-même.

La valorisation de l'expérience : les apprenants ne sont pas des pages blanches. Chaque participant apporte son vécu professionnel qui enrichit la formation. L'interaction entre un praticien chevronné et un débutant bénéficie aux deux.

Le lien théorie-pratique : systématiquement illustrer comment une règle abstraite se traduit dans le quotidien professionnel. Pourquoi cette procédure ? Quelles sont ses conséquences concrètes ? Quelles erreurs éviter ?

Cette approche relève de l'ingénierie pédagogique : concevoir des parcours structurés où l'apprenant redevient acteur de sa formation plutôt que spectateur passif.


Vers une nouvelle culture de la formation juridique?

La recherche est claire : les meilleures formations sont celles qui transforment la pratique professionnelle, pas celles qui accumulent les informations théoriques. Une étude comparative France-Grande-Bretagne montre d'ailleurs que la formation juridique britannique intègre beaucoup plus la pratique dès l'université, notamment via des études de cas systématiques.


Le droit n'est pas intrinsèquement ennuyeux. En combinant expertise juridique solide et approches pédagogiques innovantes, il est possible de concevoir des formations qui soient à la fois rigoureuses, accessibles et stimulantes.

Cette évolution nécessite de repenser le rôle du formateur : non plus simple transmetteur de connaissances, mais architecte d'expériences d'apprentissage. C'est un chantier exigeant, mais indispensable pour former les juristes publics aux défis contemporains.


Tiens, ça ferait presque un sujet de mémoire de recherche...


Michaël Bertrand est expert formateur en droit public et accompagne les professionnels du secteur public dans le développement de leurs compétences juridiques.


Fort de 15 ans d'expérience dans diverses structures publiques (préfectures, collectivités, agences de l'État) et d'un parcours en ingénierie pédagogique, il a créé Droit Public Académie pour proposer des formations alliant rigueur juridique et innovation pédagogique.

 
 
 

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